J’ai le syndrome de Peter Pan. Je vous rassure, rien de grave. Mais voilà, je n’ai jamais compris la vie d’adulte. Leurs règles, leurs obligations, ça m’a toujours mis mal à l’aise. Je crois que mon envie d’écrire est née de cette incompréhension du monde des grandes personnes.
J’ai écrit des contes, des nouvelles, jamais édités, toujours que pour moi, mais lorsque j’ai entendu pour la première fois un étudiant m’appeler « monsieur », j’ai compris que je devais écrire sur ces petites lâchetés du quotidien qui nous poussent à devenir de grandes personnes ; on ne s’imagine pas tous les efforts qu’on fait pour paraître comme tout le monde ! Il y a toujours des petits renoncements qui grignotent nos vies. Et je voulais raconter ça.
Mon 1er roman parle des vicissitudes que j’ai rencontrées alors que je reprenais mes études, à l’âge de 28 ans, pour devenir enseignant. C’était un nouveau départ pour moi et alors que je vivais des déboires amoureux et sexuels, rogné par des injonctions pour devenir quelqu’un, je voyais bien que les gens de mon âge subissaient les mêmes affres. On se perd toujours un peu à devenir quelqu’un. On finit par ne plus vraiment savoir ce qu’on veut. On fait comme tout le monde en somme. Et à 28 ans je suis retrouvé à un carrefour de ma vie. C’était un moment bouillonnant, plein de promesses, de possibilités, de nouvelles rencontres… et de désillusions surtout. Je sentais bien qu’il fallait que je raconte ça, que j’explique pourquoi nous souffrons de mal nous aimer, de nous perdre dans des choix qui nous appartiennent pas.
Puisés de ma propre expérience, j’évoque dans les pages de mon livre les tabous de la masculinité, les faiblesses d’être un homme. On vit dans un monde qui ne nous laisse plus le temps de bander mou, qui nous empêche d’être malheureux. Le besoin en productivité, jusqu’au plus intime de la couette, jusqu’aux tréfonds du bonheur, nous bouffe toute la fragilité à être. C’est sans doute ça, de vivre en conformité avec la modernité. Personne ne nous prévient, mais on fait avec. Et j’avais l’impérieux besoin de décrire ce quotidien-là, avec humour et avec une pointe d’acide, histoire de voir ce qui reste.
Cela fait presque dix ans que j’ai commencé les premières ébauches de mon autofiction. Entre temps, je suis devenu enseignant, et on m’appelle tous les jours « monsieur ». Ce n’est pas grave, je m’y suis fait. Et je ne m’y trompe pas. J’ai toujours mon regard d’enfant sur le monde. J’aime toujours me moquer des adultes –certains diront le besoin, ils n’ont pas tout à fait tort- J’ai passé la plupart de mon temps libre à écrire. Je me souviens qu’au début, je ne savais pas quelle fin donner à mon autofiction. Il a fallu que l’histoire d’amour commencée sur les bancs de la fac se termine pour savoir comment j’allais nouer mes chapitres. Dès lors je repris chaque paragraphe, j’ai recommencé à zéro et j’ai enfin osé me faire relire. C’est une longue et nouvelle étape. On éclaircie, on taille, on simplifie. On retire tout le superflu. C’est loin d’être évident, de voir ce qui encombre. Je crois que l’important, lorsqu’on écrit, lorsqu’on rédige une histoire qui cherche à être lue, à être partagée, à se confronter au jugement des autres, c’est d’être juste. Il faut avoir un ton honnête. Dire les choses. Qu’il est difficile d’écrire seul et je ne remercierai jamais assez celles et ceux qui m’ont relu et qui m’ont aidé à améliorer ce livre.
Aujourd’hui, ce roman que j’ai intitulé « une promesse de comète » ne m’appartient plus. Je suis fier de le voir exister sans moi désormais. Il a sa vie propre. Et je suis heureux des retours que l’on me fait, d’entendre que cette histoire leur rappelle aussi la leur. Il n’y a pas de plus beaux compliments.
